Dans une enseigne que j’appellerai Monotruc où je faisais mes emplettes, je suis tombé dans le piège en acceptant pour la première fois une carte de fidélité, peut-être à cause du sourire Colgate du caissier avec ses yeux de faon mais surtout bien conditionné à proposer lors de sa formation d’embauche : « Vous avez la carte de fidélité ? » Biiiiip -sourire automatique - Client suivant - « Vous avez la carte de fidélité » ? Biiiip-sourire automatique. - Client suivant. Et ainsi de suite…
C’était y a une dizaine d’années environ, l’esclave (ooops pardon, il faut dire « l’hôte de caisse » en novlangue) a depuis été remplacé par des scanbots en batterie serrées pour gagner de l’espace sur les marchandises que les clients remplacent désormais dans une espace dédié. Ce qui permet de conséquentes économies chez Monotruc sur la “masse” salariale, grâce au volontariat des clients zombies.
J’ai toujours refusé ce genre de carte attrape-pigeon qui « croivent qu’il sont considérés par les flagorneries marchandes », mais ce jour-ci j’ai baissé ma garde et ma résistance. Un moment de faiblesse…
Au début, c’était un peu rigolo avec des ristournes de seulement quelques graines d’euros supposées stimuler mon circuit de récompense cortical primitif tel un rat de laboratoire (comme les bons de réduction, les jeux de grattage ou de casino, plus on claque moins on gagne, c’est étudié pour).
En fait, la récompense n’était pas basée sur la fidélité, une notion humaine aujourd’hui dévoyée, mais la captation de données à des fins neuro-marketing pour plus de ventes et de brouzoufs pour Monotruc et autres distributeurs en retour d’investissement, ce que j’ai compris bien plus tard…
Tel un pignouf naïf, j’ai fourni mes coordonnées postales. Suite à quoi, les offres polluantes publicitaires basées sur mes achats chez Monotruc ont commencé à débarquer dans ma boîte aux lettres, hyper ciblées et personnalisées sur mes précédentes « habitudes de consommation » supposées durable et autres invitations de services à la "Comme J’aime » à lui fournir plus de données intrusives.
Et ça m’a mis la puce à l’oreille car j’ai horreur d’être pris comme cible et être tracé pour de prosaïques avidités commerciales. Heureusement que j’avais balancé une adresse@poubelle et que j’ai mise en confettis la carte Monotruc moucharde.
Dans les magasins Monotruc, les espaces scanning se sont multipliés, les caisses humaines ont été réduites au minimum réduisant les rares échanges verbaux encore possibles même avec des tirages de tronche blasés pour convoyer des kilos de marchandise sur tapis roulant par jour, ce que je comprends. Les TMS (Tensions Musculo Squelettique) en plus.
Après la file d’attente dans les zones-bots, les clients s’auto-bippent sur un plateau à pesée surveillée et contrôlée, dépose de marchandise accompagnée de voix de synthèse et de signaux sonores stridents et anxiogènes comme « Veuillez retirer vos articles. Transaction refusée, vous n’'êtes plus fidèle, vous n’avez pas renseigné votre profil » avec des pilotis d’alarme rouges en cas de bug ou de non respect du processus standardisé.
Dernière « subtilité » : pour sortir de la réclusion de cette zone machine à code-barre, il y a un portail barrière. Pour s’en évader comme une porte de prison, il faut scanner son ticket de caisse dans un bouzin optique dans le bon sens comme on fournit ses empreintes digitales qui bippe quand il est en panne et t’enferme dedans jusqu’à ce qu’un vigile baraqué à la mine patibulaire vienne te contrôler tel un présumé voleur.